Growth Hacking : Comment Emmanuel Macron a conduit une start-up politique au succès
Au delà de toute considération politique, le succès d’Emmanuel Macron est un cas d’école pour toute entreprise se lançant sur un nouveau marché. En à peine un an d’existence, son mouvement s’apprête à remporter la Présidentielle française au détriment des partis politiques traditionnels.
Pour comprendre ce succès, il est intéressant de dresser un parallèle entre les stratégies éxecutées par les startups à succès de ces dernières années, et l’équipe d’En Marche !
On observe alors que ces derniers ont appliqué des techniques de Growth Hacking pour parvenir à l’Élysée. Pour rappel, le terme Growth Hacking définit l’ensemble des techniques de marketing permettant d’accélérer rapidement et significativement la croissance d’une startup.
Pour y parvenir, le growth hacker tente d’optimiser la « matrice AARRR » (Acquisition, Activation, Rétention, Referral et Revenu, dans le cas d’Emmanuel Macron on parlera de vote pour la dernière phase).
Voici à présent, pour chaque étape de cette matrice, un aperçu des méthodes déployées par les membres d’ En Marche !.
A) Acquisition : En Marche ! de 0 à 8 millions d’électeurs en un an
1- Développer la notoriété : Des Relations Presse maîtrisées
Un des défis d’Emmanuel Macron était de faire connaître à l’ensemble des français son offre politique en un minimum de temps. Il a dès lors investit dans ses Relations Presse, en répondant favorablement aux demandes d’inteviews, y compris celle de la presse People.
Il s’est par ailleurs entiché des services de Laurence Haïm, ex journaliste. En contrepartie, il a pu compter sur un relais médiatique important. Ses concurrents l’ont d’ailleurs railler à ce sujet, lui reprochant d’être « le candidat des médias ».
2- Une Stratégie de partenariat efficace
Un des moments fort de la campagne d’Emmanuel Macron restera le soutien apporté par François Bayrou à sa candidature le 22 février 2017.
Le vote #Macron aux #Presidentielle2017 fort dans les départements où le vote @bayrou avait le plus performé aux 2 précédentes élections. pic.twitter.com/Q0nB5EO5f9
— Lucas Maere (@LucasMaere) 24 avril 2017
Au regard des scores réalisés par Emmanuel Macron dans les territoires où Bayrou avait l’habitude de performer, ou encore de ses 30,31% enregistrés à Lyon, où le maire Gérard Collomb lui avait très tôt apporté son soutien, on ne peut pas nier l’efficacité de cette stratégie.
3- Prospection : Des efforts rationalisés
Les équipes d’En Marche se sont très tôt dotées du logiciel 50+1 du Cabinet Liegey Muller et Pons. En croisant les données socio-démographiques collectées par l’INSEE, avec les résultats électoraux du Ministère de l’Intérieur, cet outil a permis d’aiguiller les bénévoles (surnommés « helpers ») dans leurs campagnes de porte-à-porte. En plus de cette approche géo-marketing et de cet usage avancé de la data, les équipes d’En-Marche ont aussi employé des méthodes de Marketing Automation.
On retrouve en effet l’usage de techniques permettant d’automatiser les tâches répétitives en déroulant des scénarios marketing préconçus, dans le but de stimuler le prospect.
Ainsi, du 18 au 21 avril un message vocal pré-enregistré a été diffusé à plusieurs millions d’abonnés téléphonique. Cela a d’ailleurs valu à Emmanuel Macron un rappel de la Cnil aux bonnes pratiques. Un comportement qui évoque l’état d’esprit prôné par les entreprises de la Sillicon Valley, synthétisé par la formule : « Don’t ask for permission. Ask for forgiveness » (Ne demandez pas la permission. Excusez-vous).
B) Activation : Faire adhérer le citoyen au mouvement En Marche !
1- Choix d’une page d’accueil radicale sur le site internet
Des 11 sites officiels des candidats, Emmanuel Macron disposait de celui proposant la page d’accueil la plus radicale. Durant la campagne, pour acceder au contenu du site, il fallait impérativement laisser une première fois son adresse email. Une stratégie qu’on avait, jusque là, l’habitude de retrouver seulement chez les entreprises commercialisant des e-services. Néanmoins, d’après un article paru dans Society n°53, en 3 semaines le site avait enregistré 15 000 inscriptions.
2- Création d’une offre politique adaptée aux attentes des français
Fin mai 2016, Emmanuel Macron et sa petite équipe, lance « La Grande Marche ». Encadré par Liegey Muller et Pons, plusieurs milliers de bénévoles vont faire remplir un questionnaire de 8 questions ouvertes aux français. 25 000 questionnaires seront remplis et analysés à l’aide du logiciel de sémantique Proxem. Cette base de données servira ainsi à construire le programme d’En marche ! et à définir sa stratégie de communication.
3- Développer la Valeur perçue
Lors de certains de ses meetings, comme celui de Quimper, Emmanuel Macron a pu se faire filmer en s’excusant de refuser du monde, faute de place dans la salle l’accueillant. Sans remettre en cause la bonne foie du candidat, cela n’a pu que renforcer l’engouement qu’il générait.
C’est d’ailleurs une méthode marketing et de psychologie sociale bien connue. Elle consiste à créer de la désirabilité en créant un sentiment de « rareté » et d’accès privilégié. Précisons au passage que cette méthode n’est pas l’apanage des entreprises du numérique et est utilisée depuis des années par les boîtes de nuit ou certaines marques comme Apple.
C) Rétention : Continuer d’interagir avec le citoyen afin d’éviter qu’il se détourne du vote Macron
1- Onboarding : Prise en charge immédiat des nouveaux inscrits
L’onboarding désigne le processus de guidage et d’accompagnement d’un utilisateur débutant sur une application. Si l’on reprend la matrice AARRR, cette étape est d’habitude classée en tant qu’élément d’activation. Cependant, En Marche ! semble avoir poussé ce concept assez loin, ce qui en fait, in fine, une arme de rétention.
Au moment du lancement du site, Julie de Sablière, ex responsable presse d’En Marche !, déclarait au sujet des nouveaux inscrits : « Si quelqu’un se montrait intéressé, il fallait que dans l’après-midi, il soit dans une voiture pour aller faire du porte-à-porte ».
2- Lead nurtiring : Envoi d’une newsletter quotidienne
Pour garder les troupes mobilisées l’équipe d’Emmanuel Macron a fait un usage intensif du mail.
Chaque jour, un nouveau mail était envoyé à l’ensemble des personnes s’étant inscrit sur le site. Celui-ci pouvait évoquer les actions à venir ou des points du programme du candidat accompagné d’un bref argumentaire. Une attention particulière était portée à proposer, chaque jour, un design différent (en modifiant, le plus souvent, seulement la couleur de fond) afin d’atténuer au possible le sentiment de déjà-vu, et donc de maximiser l’impact du message.
D) Referral : Rendre En Marche ! viral
1- Responsabilisation des équipes
Ici aussi, dans l’écosystème start-up, on classe plutôt la gestion et le management de la relation client comme des actions de rétention. Toutefois, dans notre exemple, ce mode de management a aussi sa place dans le referral, car le simple sympathisant est incité à devenir rapidement responsable et ces derniers étaient challengés afin d’agréger le maximum de personnes autour d’eux.
Contrairement aux partis politiques traditionnel construit sur un modèle hiérarchique descendant, En marche ! s’est bâti de façon plus horizontale, préférant, une nouvelle fois, le modèle des entreprises du numérique californienne. Si bien que n’importe quel adhérent peut lancer son comité local.
Le mouvement en compterait d’ailleurs plus de 4 000. Stanislas Guerini, respondable des 34 000 militants parisiens, précise que : « quand vous avez votre comité c’est à vous de vous faire connaître, d’organiser des évènements, d’attirer les gens. C’est une saine émulation. »
2- Bouche à oreille : Possibilité de tenir un argumentaire personnalisé à ses proches en quelques clics.
Avec sa rubrique je convainc à un ami, le mouvement de Macron donne la possibilité à chaque sympathisant de devenir un ambassadeur de l’ancien Ministre du Travail en quelques secondes, tout en lui faisant porté un message structuré et ciblé. Exemple dans la vidéo ci-dessous :
E) Revenu = Vote. Non une adhésion
Enfin, force est de constater qu’Emmanuel Macron, est resté focus sur son objectif qui consistait à récolter le plus de voix le dimanche 23 avril 2017. Bien que cela semble couler de source, le réflexe d’une nouvelle formation politique (ou de celles plus vielles mais ayant pour l’habitude de réaliser des scores très modestes) est bien souvent de profiter de la fenêtre médiatique donnée par l’élection pour essayer, par la même occasion, de structurer le Parti, augmenter les adhésions…
Dans le cas d’En Marche !, il est légitime de douter de sa capacité à survivre à un échec lors des Présidentielles 2017. Mais au fil des jours, cet échec semble de moins en moins probable. Et le système partisan politique français est d’ores-et-déjà disrupté.
À propos de l’auteur
Lucas Maere est un entrepreneur français, diplômé d’un Master 2 en Science politique.
Depuis 2013 il accompagne le développement de PME française en pilotant leur dispositif d’acquisition.
6 b. Bd Berthelot, Bureau 3
34000 Montpellier
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